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Je hais ma famille
25 décembre 2017

Je ne suis pas née dans la bonne famille.

Je ne crois pas en dieu. Du tout. Pour moi les croyants sont des fanatiques dangereux et demeurés. Parce que la foi n'est fondée sur rien, ni preuve tangible, ni logique et qu'elle est inutile et source de polémique (euphémisme pour "bordel international" et "génocide"). Au mieux c'est vaguement inspirée par un bouquin, la Bible, certes un best seller mais Star Wars aussi a été pleinement plébiscité et pourtant on considère les sérieux partisans de la Force comme des allumés.

Mais là n'est pas le débat. J'ai beau ne pas croire en Dieu ni aux forces occultes, j'ai quand même l'impression que la source de mon mal-être est attribué à quelque chose qui m'échappe, quelque chose que l'on n'a pas encore compris ou découvert, une force qui fait que l'on développe telle ou telle personalité en fonction d'un autre critère que notre éducation. Ce qui exlique qu'au sein d'une même fratrie on trouve à la fois des gros cons et des gens bien.

Je ne suis pas née dans la bonne famille. Fille d'un sapeur pompier gros fumeur, porté sur la boisson, fan de foot, raciste, homophobe, plouc et relativement inculte et d'une mère au foyer, fumeuse elle aussi, sans compétence particulière si ce n'est qu'elle levait la main facilement, et dont la génitrice était une trainée qui pondait des enfants pour les abandonner par la suite. Malgré tout, elle a confié ma mère à ses propres parents à elle plutôt qu'à la DASS comme les autres. Difficile de savoir si ce fut une bonne chose. Un jour, ma mère a été giflée tellement fort par sa grand-mêre qu'elle en est restée sourde d'un oreille. Les autres ont-ils été mieux lottis? Je n'en sais rien.

On avait tout des Français moyens (aujourd'hui on entrerait directement dans la catégorie des cas sociaux mais dans les années 80, un seul salaire pour toute une famille suffisait et le monde n'était pas aussi développé qu'il l'est maintenant). On n'était pas très riches, on n'était pas très beaux et on n'était pas très intéressants. Mais moi, en fait, j'étais intelligente et mes parents n'y étaient pour rien.

J'ai eu une révélation en relisant le roman Matilda, de Roal Dahl. Dans cette histoire, Matilda est une petite fille complètement en décallage avec ses parents et son frère, tous caricaturallement bêtes et méchants. Alors que dès ses premiers jours de l'enfance elle est livrée à elle-même, elle se rend seule à la bibliothèque à l'âge de 3 ans et y apprend à lire. A 5 ans, elle avait lu l'intégrale de Dickens, Austen et Hemingway. Jamais en phase avec sa famille, elle finira par les quitter et se faire adopter par son institutrice.

Je ne prétends pas être aussi intelligente que Matilda, loin de là. J'ai appris à lire normalement, à 5 ans et demi en CP et j'ai approfondi mes connaissances dans ce domaine avec les aventures de Oui Oui de la Bibliothèque Rose. Mais j'ai fait ça seule, sans stimulation de mes parents. Et ça a été comme ça pour tout le reste. Je comprenais ce qu'on m'apprenait à l'école et c'était facile. Tout de suite j'ai fait mes devoirs seule dans ma chambre sans que jamais mes parents ne s'en mêlent. Pendant longtemps, je ne savais pas qu'une leçon de maths s'aprennait. On me faisait découvrir une notion, je la comprenais, je l'appliquais, fin de l'histoire. J'ai commencé à déchanter au lycée où les profs se fichaient royallement que l'on comprennent ou pas. Et un prof de math en particulier, pas du tout sûr de ce qu'il avançait, m'a fait complètement décrocher. 

Ma soeur, elle, était plus à l'image de mes parents. Elle n'était pas douée à l'école et ne pouvait se résoudre à faire ses devoirs sans l'aide de ma mère. Et quand ma mère n'a plus réussi à suivre, c'est moi qu'on appelait. Même si j'étais devenue plus grande, avec plus de travail, c'est moi qui devait venir à la rescousse. Et il fallait faire passer les devoirs de ma soeur avant les miens bien évidemment. Et ça a continué comme ça jusqu'à ce qu'elle entre au lycée, où j'ai dû l'aider à rédiger un commentaire de texte sur un livre que je n'avais jamais étudié et résoudre des problèmes en sciences économiques, matière qui m'était étrangère puisque j'avais suivi la fillière scientifique. Tout ça avait beau dépasser mes compétences, ma mère ne voulait rien entendre et les laisser avec leurs problèmes faisait de moi une pourriture.

Et puis il y a eu le moment où j'ai passé mon bac. Moins à l'aise avec mon intellect, j'ai du redoubler d'efforts. Les maths et la physique me donnaient du fil à retordre (pas de bol en section S) et je m'entrainais sans relâche à des exercices d'application. Mais c'était sans compter sur ma soeur, 15 ans à l'époque, obèse et fan inconditionnelle des Spice Girls, à la chambre mitoyenne à la mienne. Du matin au soir, elle s'égosillait sur les tubes des 5 anglaises, refusant catégoriquement d'éteindre sa musique ou même d'en baisser le son ne serait-ce que le temps de mes révisions. Quant à ma mère auprès de laquelle j'espérais un soutien, elle me répondait que la pauvre, on n'allait quand même pas lui enlever sa musique, qu'elle allait devenir folle. Que je passe mon bac ou pas n'avait pas d'importance, puisque moi j'avais des facilités. C'est le revers de la médaille à être différente. Néanmoins, j'ai quand même eu droit à quelques trêves. Mais parfois, fatiguée des équations et des calculs différentiels de courbes  je m'octroyais des pauses devant la télé. Et là ma soeur, pas seulement bête mais aussi mauvaise, collait son oreille au mur pour déceller le moindre bruit qui trahirait le fait que je n'étais plus à mes calculs pour aller se plaindre auprès de ma mère qui lui donnait gain de cause. Comment ai-je pu oser lui demander d'éteindre la musique si c'était pour que moi j'ai le droit de regarder la télé? C'était le retour des Spice Girls, massacrées par ma soeur. Et dans ces conditions, s'il est difficile de se concentrer sur des calculs, c'est tout aussi compliqué de suivre un épisode de Beverly Hills.

J'ai quand même eu mon bac. Avec 10 de moyenne et en foirant les maths. Mais ça suffirait, on n'avait pas de grand projet pour moi.

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Commentaires
M
L'article est bien écrit, on a envie de connaitre la suite !
Je hais ma famille
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